Ce rapport présente les résultats d’une étude de capture-recapture de carcajous (Gulo gulo) aux fins d'ADN menée près du lac Napaktulik dans la région du Kitikmeot au Nunavut. L’étude visait à établir les renseignements de base sur la taille de la population et sa densité à des fins de monitorage à long terme. De plus, le monitorage des populations de carcajou est important, car il fait partie de la recherche et la gestion des prédateurs, et contribue à la gestion du caribou. Les carcajous ont été placés sur la liste des catégories préoccupantes en vertu de la Loi fédérale sur les espèces en péril et constituent une ressource traditionnelle économique et culturelle récoltée par les Inuits. Ce projet a été réalisé en collaboration avec l’Association des chasseurs et trappeurs de Kugluktuk (Angoniatit Association). L’analyse génétique a été utilisée pour identifier le sexe et les individus au sein de la population à partir de l’ADN provenant des échantillons de poil recueillis de manière non invasive, et selon le concept et la logistique d’une étude scientifique en collaboration avec les chasseurs locaux. Du début mars à la fin avril 2018 et 2019, l’équipe de terrain a pris des échantillons d’une zone quadrillée de 154 pieux dotés d’appâts composés de pattes et d’odeurs de caribou (Rangifer tarandus groenlandicus) et de boeuf musqué (Ovibos moschatus). Les pieux étaient répartis en cellules de 5 km sur 5 km (25 km2) durant des périodes de 10 jours, et disposés sur une aire de 4 000 km2 au nord-ouest du lac Napaktulik.
Au total, 22 carcajous individuels (11 femelles; 11 mâles) ont été recensés en 2018, et 27 (13 femelles; 14 mâles) en 2019, dont 10 individus (6 femelles; 4 mâles) déjà répertoriés en 2018, puis recapturés en 2019. Des méthodes spatialement explicites de capture-recapture (SECR) ont été utilisées pour estimer la densité de population. La densité des carcajous fut estimée à 3,10 carcajous par 1 000 km2 (95 % Cl : 2 à 4,78) en 2018 et 4,14 carcajous par 1 000 km2 (2,78 à 6,18) en 2018 par 1 000 km2 (95 % Cl : 2,78 à 6,18) en 2019, sans différence significative entre les années. Ces estimations annuelles SECR de densité ne portent que sur les carcajous dont le territoire est concentré au sein de la grille d’échantillonnage d’ADN. Nos résultats suggèrent que la population de carcajous à proximité de la grille varie spatialement et temporairement quant à l’usage de la zone grillagée, ce qui pourrait expliquer l’apparente variation annuelle des estimations de densité. Il y eut peu de différence entre les sexes quant à l’étendue des déplacements au sein de la grille en 2018, mais une séparation claire en 2019. L’étendue du territoire médian observée chez les mâles (24 km) était similaire à celui détecté chez les femelles (23 km) en 2018, mais systématiquement plus grand en 2019.
La population de carcajous de la région est de faible densité et est exposée à un accroissement des activités humaines, les mines et la chasse de subsistance notamment. Nos résultats, lesquels participent aux données de base de l’écologie des carcajous, pourraient être utilisés pour procurer une base quantitative afin d’établir d’éventuelles limites de récolte durable. Ils pourraient aussi servir à enrichir les processus d’évaluation de la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions. Les études fondées sur l’ADN offrent une méthode pratique et efficiente pour assurer le suivi des populations de carcajou dans les zones de toundra. Pour une meilleure compréhension de la population de carcajous dans la région, nous recommandons l’implantation d’un monitorage à long terme en collaboration avec les OCT et l’industrie. Cette étude démontre l’efficacité de projets de recherche conjoints pour soutenir la gestion de la faune.
Mots clés : estimation de la densité, ADN, Gulo gulo, lac Napaktulik, Kitikmeot, Nunavut, capture-recapture spatialement explicite, carcajou